Technologie et qualité du miel


Conférence de Mr Paul Schweitzer organisé par Apidor, Union départementale des apiculteurs de la Dordogne, le 27 octobre 2012. Mr Schweitzer est intervenant et à l’origine de la création du CETAM-Loraine (Centre d’étude Techniques apicoles Mozelle-Loraine), dont le but est le contrôle du miel (qualité, origine, appellation florale, fraude).

Pour préciser l’appellation ‘Technique et qualité du miel’, cette conférence avait pour thème les paramètres qui définissent un ‘bon’ miel et par extension les bonnes méthodes à utiliser pour s’en approcher. Mr Schweitzer est un spécialiste de première qualité dans ce domaine autant pas ses connaissances dans les techniques de contrôle que dans la diversité des miels qu’il a pu analyser dans sa longue carrière.

La quantité d’information donnée durant les 6 heures de conférence est tellement importante, qu’il est impossible de les détailler dans cet article. Une partie portait sur des points très techniques, qui sont bien loin de nos préoccupations habituelles d’apiculteurs, mais dont les implications sont très importantes dans le choix des méthodes à utiliser. Les conclusions sont sans concessions ni langue de bois et parfois à l’opposé des idées ‘en vogue’.

Cet article n’est que mon interprétation et n’engage que ma responsabilité. Les textes en italique sont hors contexte de la conférence.

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Un ‘Bon’ Miel

La teneur en eau : 

Technologie et qualité du miel
Tableau rapport taux d’humidité/fermentation du miel

La teneur en eau est un des éléments, même sans doute l’élément le plus important à contrôler lors de la production. Le tableau de droite indique pour un % d’eau dans le miel, le nombre de germe par gramme qui est susceptible de provoquer la fermentation du miel. 2 paramètres sont à surveiller :

1/ le pourcentage d’eau : En général, nous ne nous posons pas trop de question sur ce paramètre en pensant ‘les abeilles le font bien mieux que nous, quand elles operculent, le miel est parfait’. Cette idée reçue est loin d’être vérifiée dans tout les cas. Pour assécher l’air, les abeilles ventilent la ruche, mais elles ne sont pas encore équipées de déshumidificateur, elles ne peuvent pas faire baisser le niveau d’humidité en dessous d’un point d’équilibre qui dépend du taux d’humidité de l’air ambiant. Un exemple plus parlant, il est impossible de faire sécher du linge un jour d’orage ou de pluie, l’eau ne peut pas s’évaporer du linge. Si le taux d’humidité dans l’air ambiant dépasse 60% d’humidité, le % d’eau dans le miel ne pourra en aucun cas descendre en dessous de 18,3% et pour un taux d’humidité de 50%, le miel peut descendre à 15,9%.

Les abeilles ne sont pas plus équipées de réfractomètre pour mesurer le % d’eau dans le miel, elle l’operculent lorsqu’elles sont arrivées au point d’équilibre. Il devient évident qu’une ruche installé en milieu humide est une mauvaise idée.

Il y a un autre moment ou le risque de ré hydratation du miel est très important, bien plus que l’on peut l’imaginer. Lors de l’extraction, le miel est pulvérisé en micro gouttes ou filaments, dans ces conditions, 1 kilo de miel offre une surface de 42m2 qui devient une porte d’entrée très facile à l’humidité, il peut arrivé qu’un miel extrait dans des mauvaises conditions atmosphériques gagnent 1% d’humidité! Bien qu’un déshumidificateur soit un investissement non négligeable, il est la seule solution dans une miellerie pro. Pour les amateurs, l’extraction doit être réalisé dans un local sec.

2/ les germes :Les germes sont présents partout, il suffit d’oublier quelques chose dans le frigo pour en avoir la preuve mais il est possible de limiter leur présence dans le miel, cela tient en un mot : hygiène. 

Le miel est un désinfectant naturel, c’est une chose prouvée, mais une idée reçue est que le miel peut rester dans le matériel (bac à désoperculer, extrudeur) entre 2 miellées. En fait, le miel  qui reste longtemps au contact de l’air se réhydrate et le nombre de germes augmente très fortement, ce qui infecte le nouveau miel extrait. Le matériel doit être lavé et désinfecté entre chaque miellée. 

Pour résumer : Les ruches doivent être installées dans des emplacements secs. Le travail du miel doit se faire dans un local sec, avec du matériel propre. L’utilisation d’un déshumidificateur est plus que conseillé pour les grosses productions.

La température :

La température est un facteur de dégradation des sucres du miel et plus précisément, de la production de H.M.F (Hydroxy méthyl furfural). Ce n’est pas un produit toxique, il apparaît lors de laTableau Acidité avec exemples fabrication du caramel. La législation interdit une quantité supérieure à 40mg/kg (80mg/kg pour le miel tropical). C’est un signe de chauffage du miel ou de mauvaise conservation, car il apparaît naturellement dans le miel.  Un miel de qualité ne devrait pas dépasser 10 à 20mg/kg.

Technologie et qualité du miel
Durée de conservation en fonction de la T° de stockage

Les traitements qui utilisent la montée en température (défigeage) ne sont pas innocents et doivent être utilisés avec précaution et en limitant la durée et la température. 

La température de conservation optimale est en dessous de 20 C°. 

L’acidité :

La variation de la durée de conservation pour une même température dépend en grande partie de l’acidité du miel. Tout les miels sont acides. Plus un miel est acide, plus la production d’HMF est rapide et importante. Les miels les plus acides sont ceux de nectar  et les moins acides sont ceux de miellat et de bourdaine(1).

Technologie et qualité du miel
Comparaison de l’Acidité.

Dans le tableau de droite, pH est une échelle qui indique l’acidité (pH de 0 à 6,9), la neutralité (pH =7) ou la basicité (plus souvent appelé alcalinité pH de 7,1 à 14) d’une substance. Une valeur 7 est neutre, l’eau pure est neutre. Les miels ont une acidité allant de 3,5 / 4 (Tournesol, acacia) à 4,5/ 5 (sapin, châtaignier) voir exceptionnellement 7 pour la bourdaine.

Les Enzymes ou l’activité diastasique : 

Les abeilles utilisent des enzymes ( amylase, invertase, gluco-axydase, …) pour transformer les nectars ou miellats en miel. Ces transformations consistent en des décompositions de sucres complexes en sucres simples, par exemple la saccharose (notre sucre blanc) en glucose + fructose. Mais les miels sont constitués de nombreux autres sucres et chaque sucre complexe a une enzyme qui le décompose. seul les sucres simples sont assimilables par les organismes vivants.

C’est enzymes sont très fragiles à la température. C’est aussi un bon moyen de savoir si un miel n’a pas été coupé avec du sirop de sucre qui n’en contient pas. La législation indique une valeur minimum de 8 (pour l’amylase) sauf pour les miels naturellement pauvre en amylase dont la limite peut descendre à 3 avec un taux de HMF inférieur à 15mg/Kg. 

Le taux d’enzymes peut être exceptionnellement bas lors de miellé de nectar très concentré. Dans ce cas les abeilles n’ont pas besoin de trop ‘travailler’ le miel pour diminuer la teneur en eau,

Pour résumer : A la différence du vin, aucun miel ne se bonifie en vieillissant. Un miel se dégrade d’autant plus vite : qu’il est chauffé ou stocké à la chaleur et qu’il est acide. Les 2 effets se cumulent.  

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La Cristallisation

 Les sucres :

Sujet compliqué, que je ne ferais qu’effleurer mais sujet trop important pour ne pas en parler. Vous trouverez en fin de document, un lien vers un document de devinez qui, Mr  Paul Schweitzer sur la ‘cristallisation des miels‘ qui répondra à toutes vos questions.
Les sucres sont des composés chimiques très variés. Ils peuvent se décomposer en sucre simple (glucide, fructose,..) et sucre complexe constitué de plusieurs sucres simples (saccharose,…). Le saccharose est le sucre blanc que nous consommons, issue des betteraves ou de la canne à sucre. Notre corps et plus particulièrement le cerveau consomment du glucose. La digestion, pour l’homme comme pour les abeilles, consistent à casser les sucres complexes en sucres simples à l’aide d’enzyme (hydrolyse). Pour l’exemple la saccharose est constitué de 2 sucres : le glucose + fructose. Les sucres sont très important pour la ‘vie’ en générale.

Technologie et qualité du miel
Solubilité des sucres les plus courants

Le miel  est composé d’au moins 6 sucres différents, dans des proportions très différentes : le fructose, glucoseTableau Solubilite par type de sucres principalement, saccharose, maltose, raffinose, turanose, isomaltose et d’autres plus spécifiquement. Le turanose est spécifique au miel de 0 à 3% et dont l’absence permet de détecter l’ajout frauduleux de sirop. Un tableau important pour comprendre les variations de cristallisation des miels, il indique la quantité maximum (à saturation) d’un type de sucre dans 100ml d’eau à 20°.

Le fructose est presque 2 fois plus soluble que le glucose. Suivant les types de miel, la quantité de fructose est plus ou moins importante. Le rapport F/G (Fructose/Glucose) proche de 1 plus le miel cristallisera rapidement. Le miel de colza a un rapport F/G proche de 1, pour un miel d’acacia pur F/G est égal à 1,7.

Les autres sucres et les autres composants interviennent dans la cristallisation.

Manque tableau rapport F/G de différent miel

La viscosité :

Ici, il faut expliquer ce qu’est la cristallisation, bien que le terme ‘cristal’ donne la réponse. La cristallisation se produit dans solution d’eau contenant du sucre à saturation ou plus. Les sucres s’accrochent les uns au autres en partageant des atomes. A l’inverse de l’eau et de la glace, le miel se contracte lors de la cristallisation. La cristallisation est amorcée par des cristaux primaire ou les impuretés. 

Moins un miel est liquide dont plus il est visqueux, moins les  sucres peuvent se déplacer, jusqu’à un point où ils leurs devient impossible de s’arranger en cristaux. Ce type de miel reste sous forme de pâte épaisse. Ce qui arrive avec des miels contenant peu d’eau.

La température :

C’est a 14° que le miel cristallise le plus vite. Dans la ruche, la température est proche de 34°, le miel ne cristallise pas. Au dessus de 14° le miel cristallise de moins en moins. En dessous de 14°, le miel devient de plus en plus visqueux, ce qui bloque la formation des cristaux.

Pour résumer : La cristallisation est une réaction très complexe, qui dépend de nombreux facteurs. Le plus important est le rapport F/G qui dépend de l’origine florale. L’humidité du miel et la température de stockage interviennent aussi.

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Le travail du miel / Sirops / Fraudes

Le travail du miel :

 Attention : Il est très important de connaitre son miel avant de le travailler. Par exemple, il est impossible de chercher à garder du miel de colza liquide, et de faire du miel crémeux avec du pur acacia. 

 Le miel crémeux, très apprécié pour sa texture agréable, peut être obtenu sans aucune perte de qualité. Il est obtenu en empêchant la formation de gros cristaux en brassant régulièrement le miel pendant sa cristallisation.  

Ma méthode  : une partie de mon miel ‘de fleurs’ (printemps, châtaignier) a tendance à cristalliser très dur, du coup il devient très difficile utiliser. Il cristallise pendant l’hiver. Je l’ensemence avec du miel de tournesol de l’année précédente, déjà cristallisé fin. J’ai ensemencé 5kg de miel avec 500g de miel placé dans un réfrigérateur réglé sur 10°, pendant 3 jours, brassé matin et soir. Puis j’ai ensemencé 100kg avec ces 5kg, que j’ai brassé matin et soir avec un malaxeur (faute d’avoir un mélangeur, qui tourne moins vite et facilite le travail). Le miel était stocké dans une pièce entre 15 et 20°. La cristallisation a démarrer immédiatement et a pris une quinzaine de jour. je l’ai mis en pot alors qu’il était devenu très visqueux. Nous sommes en hiver, le miel est stocké au froid, il est resté très crémeux.

Le miel liquide est aussi recherché et c’est un paradoxe car le miel qui se doit d’être l’un des aliments les plus naturels , cristallise sans traitement. Même si certains miels, comme nous l’avons vu plus haut, le font moins rapidement tel l’acacia, le châtaignier. Je pense que la force de l’habitude (mauvaise) est à l’œuvre, essayez dont de trouver du miel cristallisé dans un supermarché? Et pourtant il y fait froid la nuit et les weekends. Les négociants, je ne parle plus d’apiculteur, ont la solution. Le miel est stocké en fut, il cristallise naturellement, puis il est refondu dans des étuves jusqu’à la disparition de tout les cristaux. Après ce traitement, le miel cristallise beaucoup moins vite, car il n’y a plus de cristaux primaires qui existe dans celui sortie d’une ruche. Je garde les cas bien plus douteux, d’adultération du miel avec des sirops pour la fin de l’article. En tant qu’apiculteur, il est possible de garder le miel liquide plus longtemps sans trop le dénaturer, en chauffant les maturateurs (pièce ou étuve) à 35/40° pendant 2 ou 3 jours pour détruire tout les cristaux primaires. C’est aussi utile pour des miels qui ont tendance à cristalliser rapidement dans le but de faciliter la  décantation.

Les sirops/Candi :

Le pavé dans la marre, c’est une des ‘révélations’ de cette conférence : Les sirops de nourrissement ne sont plus ce qu’ils étaient, c’est à dire un bon sirop de sucre 100% saccharose et ses sucres simples glucose et fructose. Ils sont fabriqués pour la grande majorité à partir d’amidon de maïs. La conversion de l’amidon en sucre n’est jamais complète et si les abeilles sont capables de convertir la saccharose en glucose + fructose, elles ne sont pas encore de le faire pour l’amidon. Celui ci se retrouve dans le miel en plus ou moins grande quantité. 

Du sucre glace est utilisé dans certains cas pour fabriquer le candi ou comme adjuvant dans la distribution de médicaments, l’amidon passe dans le miel.

Il est très difficile de savoir comment et à partir de quelles sources de sucres sont fabriqués les sirops. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’un sirop qui vaut moins que le prix de gros du sucre à toutes les chances d’être fabriqué à partir d’amidon!

Pour résumer: Fabriquer son sirop à partir de sucre bio est la meilleur solution.

Ma méthode : Bon, le sucre cristal marche très bien et coûte bien moins cher (hors certification Bio). Une astuce, chauffer l’eau autour de 40/50°, rajouter le sucre et 1 gramme d’acide citrique (ou une cuillère de vinaigre maison) par kilo de sucre pour réaliser l’hydrolyse de la saccharose en glucose + fructose. Vos abeilles vous diront merci, surtout en fin de saison. De plus ce sirop cristallisera beaucoup moins, c’est d’ailleurs ce que font les fournisseurs de sirop mais avec on ne sait quoi! L’acide citrique est celui que l’on trouve dans les bonbons, les boissons qui piquent et que les gamins adorent, et les abeilles aussi aiment l’acidité. Il ne faut pas trop chauffer pour éviter la création de HMF (voir plus haut).

Ensuite vous pouvez rajouter un peu de vinaigre de cidre ou autres additifs, mais ça c’est chacun ses astuces, perso, une cuillère à café de vinaigre de cidre par litre, dosé à peu près. A savoir que l’acide acétique du vinaigre, réalise aussi hydrolyse du saccharose, mais dans ce cas il faut en mettre une grande quantité.

Les fraudes :

L’état concernant les fraudes sur les miels est assez catastrophique. Le miel est une substance très complexe et dont la composition est très variable, ce qui rend les contrôles anti-fraude très difficile. D’autant que la législation n’a pas évolué aussi rapidement que l’habileté des fraudeurs à la détourner. Une grande partie des miels qui sont importées de Chine et d’autres pays gros producteurs sont adultérés, mais sont dans les clous de la réglementation. L’adultération qui consiste à l’ajout de sirop de sucre ou de miel de moins bonne qualité. L’ultra-filtration qui consiste à une filtration des particules rend la localisation du lieu de ‘fabrication’ impossible à contrôler et l’adultération très difficile à contrôler. Une grande partie de ce ‘miel’ est utilisé dans l’industrie alimentaire mais une partie se retrouve sur le rayon des supermarchés, dans les petits prix et aussi plus rarement dans les plus chers. 

A vous de voir ce que vous voulez manger, mais pourquoi ne pas chercher du côté des miels d’un apiculteur local.

D’autres liens, pour approfondir le sujet :

Un document de Mr Paul Schweitzer sur la ‘cristalisation des miels’.

Les critères de qualité du miel de Jean-louis Perdrix, à partir de d’article de Mr Paul Scheitzer. Je n’aurais peut être pas écrit mon article si j’avais trouvé celui-çi avant.

Un PDF très complet sur la Cristallisation du miel.

Le site Apiservices mine d’infos.


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